1982 dans le Bronx, un petit label afro-américain issu du ghetto réalise le plus gros classique du rap.
Début 1979 : une chanteuse de soul, Sylvia Robinson, épaulée par son mari ainsi qu'un ami, décide d'ouvrir un label consacré au hip-hop influencé par la funk : Sugarhill Records. Elle signe alors son premier groupe hip-hop : Sugarhill Gang. L'ensemble de tout ce petit personnel se surnomme alors le Sugarhill House Band et décide de fonder son propre studio, alliant matériel électronique et instruments réels. La même année, le Sugarhill Gang sort son premier single : Rapper's Delight. Réussite totale, le morceau devient le premier morceau rap à entrer dans le Top 40 US, et le maxi est écoulé à 2 millions d'exemplaires dans l'année.
Le petit label du Bronx devient alors la référence actuelle du hip-hop, et une flopée d'artistes cherchent à y être recrutés. C'est ainsi que quelques artistes rap signent un contrat d'exclusivité avec Sugarhill Records. Parmi ceux-ci, Grandmaster Flash, réputé pour être le pionnier du deejaying hip-hop, et plus particulièrement du scratch. Une des particularités du Grandmaster est qu'il sait scratcher avec... les orteils ! Le label enchaine alors les hits, mais ce n'est que trois ans plus tard qu'il atteindra le rang de légende.
1982 : ce sont ces 4 chiffres qui symbolisent l'année la plus bénéfique du label. Grandmaster Flash s'arme de son équipe, the Furious Five, pour rapper le morceau qui deviendra l'hymne du hip-hop : The Message. Il s'agit là du premier morceau de rap traitant des conditions de vie dans le ghetto, le rap de l'époque étant plus axé sur la fête et l'ambiance funky. Le groupe chante alors la violence physique, verbale et psychologique du Bronx, sans jamais la glorifier. Il s'agit simplement d'un constat des plus amers, d'un état des lieux. La boucle principale de l'instrumental est un synthé qui se veut enivrant. Un bruit de verre brisé, et le rap démarre : le ton est donné.
L'Amérique puritaine d'alors découvre que la jeunesse du Bronx "pisse dans l'escalier", que "des rats se promènent dans les appartements", que pour s'en sortir "certaines filles cherchent un proxénète", et qu'il y est plus fréquent de mourir par overdose ou jeté sous un train que de mort naturelle. Ce qu'un Etat a tenté de cacher en le jetant dans un coin lui rebondit subitement en pleine face, et génère des millions de dollars. Effet Boomerang. En moins d'un mois, le disque devient disque de platine. Le très réputé magazine Rolling Stone place ce morceau 51ème des meilleurs morceaux de musique de tous les temps, toutes catégories confondues.
Ce morceau influencera toute une génération et deviendra la pierre angulaire du rap "urbain".
De nombreux artistes reprendront le refrain, de Ice Cube à Snoop Doggy Dogg, en passant par Mos Def. D'autres reprendront des samples de l'instrumental, ou l'instrumental entier. Côté France, c'est cet instrumental qu'aura choisi Kery James pour délivrer son "Relève la tête".
Voilà déjà bientôt 30 ans que The Message est né, et il n'a pas pris une ride. Si les hommes meurent, la musique non.
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